Je pense, je ressens, donc je suis...au travail.

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25/10/2013
12 Angry men (Sydney Lumet, 1957)

Je suis frappée depuis mon retour en France du peu de cas que l’on fait des émotions. Je pensais que 20 ans après la sortie du livre de Daniel Goleman sur l’intelligence émotionnelle ce concept serait devenu incontournable, notamment dans le domaine du management. Apparemment il n’en est rien.

Les nombreux experts de management que j’ai rencontré ces dernières semaines (ergonomes, consultants, directeurs de prestigieux cabinets de conseil) me confirment que la vision française du management reste loin - très loin - du champ des émotions. Ici, on parle stratégies, organisation, restructuration,  tout au plus gestion des "ressources humaines". Mais l’humain avec un grand H ? Celui qui va tous les jours au travail et doit donner du sens à ce qu’il y fait ? Celui, justement qu’il faut « manager »?

C’est assez étrange, on reconnaît ses souffrances, on prend soin de protéger ses droits dans le cadre de la loi, on se préoccupe – en apparence - de son « bien-être ». Mais on s’intéresse finalement assez peu à cet être humain qui travaille, à ce qui l’anime, à ce qui le motive, le démotive et tout simplement pas à ce qu’il ressent.

Je ne compte plus les regards amusés, surpris, perplexes que ma question a déclenché.  J’ai eu à plusieurs reprises le sentiment de mettre les pieds dans le plat en prononçant  ce mot apparemment déplacé : émotions avez-vous dit ?

Mon regard de française qui a vécu longtemps hors de France me fait voir là une spécificité du pays de Descartes.  Alors qu’aux Etats-Unis, l’émotion (principalement positive d’ailleurs) est partout, il me semble qu’en France nous continuons à penser que nous vivons au royaume des idées. Abstraites, complexes, séduisantes, brillantes; éloignées, en tout cas, de ce monde tourmenté et animal, sous-terrain, de l’émotion. 

Pourtant, ces émotions qui nous traversent sans que l’on en ait  parfois même conscience, qui influe sur nos humeurs, nos prises de décision, nos relations avec les autres, peut-on réellement imaginer que nous pouvons les ignorer ? Qu’elles ne sont chez elles que dans le domaine privé ?

C’est faux bien entendu, et c’est surtout se priver d’une boussole bien précieuse que de nier leur impact.

C’est en y prêtant attention (tiens j’ai une boule dans l’estomac et la mâchoire contractée), en étant capable de les identifier et de les nommer (je suis en colère), en apprenant à les accepter (ok je suis très en colère), que l’on pourra prendre de la distance (bon, qu’est ce que je souhaite faire dans cette situation) et ne pas les laisser nous dicter nos comportements (taper un mail vengeur et appuyer sur envoyer avant même d’avoir repris notre respiration).

On ne compte plus les travaux et expériences de terrain qui le confirment : santé et travail bénéficie de l’attention portée aux émotions, j’y reviendrai dans un prochain billet. Alors, vous ressentez quoi, maintenant ?

(Voir également sur un thème très proche la Harvard Business Review du mois de novembre.)