Le corps des femmes, leurs émotions 

Classé dans : Bonheur, Emotions, Pleine conscience, Psychologie positive
10/02/2015

Mon dernier billet paru dans le Huffington Post, avec les références:

2% des femmes se trouvent belles, mais elles trouvent que 70 % (des femmes en général) ont des atouts sur le plan physique. Ces deux chiffres veulent tout dire. Le regard que l’on porte sur son corps est totalement biaisé, négatif, et souvent profondément marquant.

A quoi est-ce lié : images de corps de femmes parfaits et dénudés partout autour de nous, tendance à la critique de soi hypertrophiée, un corps souvent désinvesti en dehors des aspects esthétiques ou des cycles de vie propre aux femmes : règles, grossesse, accouchement ? Certainement tout cela à la fois.

Le corps des femmes est la cible du regard. De récentes études ont pu montrer que face à un groupe mixte, les regards (masculins mais aussi féminins) se portent plus fréquemment et plus longuement sur les femmes. On en avait l’intuition et des technologies récentes du type « eye-tracking » ont permis de le vérifier.

Les conséquences du regard que porte la société, et que les femmes elles-mêmes portent sur leur corps, sont loin d’être négligeables :

Bien sûr, le regard sur le corps peut être valorisant, excitant, érotisant, mais n’oublions pas le revers de la médaille. Très fréquemment dans les situations quotidiennes, les femmes sont inhibées par ces regards. Lorsqu’elles ont le sentiment d’être réduites à des objets, à un corps sexué dénué d’individualité, l’impact négatif est dominant.

Le concept d’objectivation décrit bien la sensation qu’ont parfois les femmes d’être vues et regardées comme une chose plutôt que comme une personne. De nouveaux travaux fascinants montrent notamment qu’il existe des liens entre ce sentiment d’être, en tant que femme, l’objet de regards insistants et une baisse des capacités cognitives ( moins bons résultats lors d’un test de maths), une plus forte probabilité de symptômes dépressifs et de troubles du comportement alimentaire. 

On le voit, le corps des femmes est donc un élément central que l’on ne peut négliger lorsque l’on s’intéresse à leur équilibre et à leur bien-être. Comment réintroduire la dimension corporelle au sein d’une psychologie qui serait, en un sens, pour les femmes ?

Changer la place de l’image du corps de la femme dans notre société est bien évidemment une priorité. Cela prendra du temps et nécessitera des actions collectives et politiques ambitieuses et clairement définies. Concentrons-nous donc sur ce qui peut d’emblée être proposé.

De façon paradoxale, se centrer sur soi et sur son corps, mais d’une façon différente, fait partie de la solution. Réinvestir le corps non seulement comme un objet esthétique mais également comme un compagnon de tous les jours. En prendre conscience, se le réapproprier, non pas intellectuellement, mais comme ce qui est, tout simplement, au centre de notre existence. Sans corps, pas de vie, pas d’émotions.

Quelques pistes :

  • Identifier les pensées et émotions négatives associées au corps, mettre à jour le discours intérieur qui ressasse toujours les mêmes petites phrases assassines : tu es trop comme-ci, pas assez comme ça, tu dois faire ceci, ne pas faire cela…

    Ces pensées et émotions se sont construites pendant de longues années au cours desquelles nous avons absorbé ce qu’on nous a dit sur notre corps (tu es grosse, tu es mince, tu es mignonne, tu es moche). Les paroles des autres nous imprègnent et laissent en nous un écho plus ou moins important en fonction de notre mode de réaction : certaines femmes laissent filer, d’autres s’y accrochent puis relâchent, les troisièmes restent bloquées, en souffrance pendant de nombreuses années.

    Impossible de séparer l’esprit du corps. Les mots seront utiles, bien sûr, pour redéfinir une image positive de soi mais ce n’est pas uniquement à travers les mots que l’on pourra apaiser la relation au corps.
     
  • Réinvestir le corps peut permettre de sortir de la ronde infernale des régimes et privations. Les liens entre image corporelle et troubles du comportement alimentaire, ou tout simplement difficultés à perdre du poids, sont bien réels. Des exercices simples de pleine conscience, appelant à porter son attention, sans jugement, sur le corps et la respiration, permettent de passer d’un regard critique sur soi à une attitude empreinte de davantage de bienveillance.

    La reconnexion au corps physique permet également de se reconnecter aux signaux importants que le corps nous envoie. Faire la différence entre une sensation de faim physiologique, basée sur les signaux envoyés par le corps permet de s’éloigner d’une faim psychologique, émotionnelle, qui n’a rien à voir avec les besoins de l’organisme. Se reconnecter aux sensations corporelles de faim et de satiété peut permettre de retrouver avec la nourriture une relation plus sereine.
     
  • Respirer, c’est vivre. Prendre conscience de sa respiration, savoir l’utiliser, c’est encore mieux : c’est alors bien vivre. Trouver le temps de respirer consciemment et régulièrement plusieurs fois par jour. Prendre le temps de quelques respirations abdominales le matin au réveil, puis dans la journée, à intervalles réguliers. C’est se recentrer sur un processus fondamental auquel on ne pense pas assez, la respiration, qui est maintenant vue comme l’élément central de différentes approches qui permettent de mieux gérer le stress, tant mental que physique, et de passer de l’émotion incontrôlée à une plus grande maitrise de soi.

Notre relation avec notre corps (l’aimer, le détester, le nourrir, l’affamer) n’est pas qu’une notion abstraite. A la lumière de travaux récents, la dimension corporelle prend une place centrale dans l’équilibre psychologique, tout particulièrement chez les femmes. Accompagner les femmes dans la recherche de l’équilibre et du bien-être passe donc par une intégration de ce qui se produit dans l’esprit mais aussi dans le corps.